Finance&Gestion 381 (Juillet/Août 2020)

Droit et fiscalité

POINTS À RETENIR •La possibilité d’un référé- provision pour obtenir le remboursement d’une créance CIR (cash) •La restriction de la sous-traitance en cascade suite à la Loi de finances pour 2020 •Les difficultés de prise en compte du CIR en cas de sous-traitance et ses « dangers »

Expertises

dépenses sont comprises entre 10 et 100 millions d’euros devront obliga- toirement produire un état précisant la part de titulaires d’un doctorat financés par ces dépenses ou recru- tés sur cette base, le nombre d’ETP correspondant, et leur rémunération moyenne (pour contrôler les rémuné- rations entre temps passé à la R&D / temps total). Tout d’abord, l’arrêt LUNALOGIC 5 de 2018, où le Conseil d’Etat, saisi d’un recours pour excès de pouvoir, refuse de qualifier de rupture d’éga- lité le fait que le sous-traitant privé agréé ne puisse pas utiliser, dans le cadre de sa propre assiette CIR, les dépenses que le donneur d’ordre n’a lui-même pas pu déduire pour des raisons liées à sa situation propre résultant (i) du plafond, (ii) de la territorialité de l’entreprise (étran- gère) et/ou (iii) de sa situation hors du champ de l’IS (organisme public non lucratif). Cette déperdition de dépenses éligibles au CIR, finale- ment retenues au niveau ni du don- neur d’ordre, ni du sous-traitant, est récemment confirmée par l’arrêt SCA France Teinture de 2020 6 . D’autre part, la cour de Versailles a rendu trois arrêts 7 qui précisent que les dépenses engagées pour des tra- vaux de recherche peuvent toutefois être déductibles au niveau du CIR du sous-traitant (organisme privé agréé) sous les conditions (i) qu’elles aient été exposées par le sous-trai- tant lui-même et qui en assume la charge financière, (ii) pour son propre compte, (iii) qu’elles soient nettement individualisées des pres- tations du contrat de sous-traitance, et (iv) que le sous-traitant conserve la propriété et l’usage des résul- tats de ses travaux pour sa propre activité. Il apparait également, à 2. Jurisprudence en matière de sous- traitance : du rififi à Versailles?

la lecture de ces arrêts, la nécessité de faire une distinction, difficile du fait d’une frontière particulièrement floue, entre (i) le contrat de recherche, par lequel le donneur d’ordre confie à un prestataire l’exécution de presta- tions intellectuelles en vue d’obte- nir une solution à un problème tech- nique, d’une part, et (ii) le contrat d’entreprise, qui ne comporte pas d’exécution de travaux de recherche (prestations d’étude et de conseils) mais qui est une ingénierie technique (sous-traitance de spécialité), d’autre part. Ainsi, désormais une analyse au cas par cas des dispositions de cha- cun des contrats devra être effectuée, afin de déterminer qui du donneur d’ordre ou du prestataire est habilité à retenir ces dépenses. Par suite, les intitulés et les clauses des contrats devront être appréciés au regard de leurs effets par rapport au régime du CIR (ex: en cas de partage de coût de la recherche et de la propriété des inventions). Enfin, se posera également la question de l’analyse conjointe ou séparée entre le contrat d’expérimentation (ou d’étude) et le contrat d’ingénierie. De nombreuses interrogations auxquelles la jurispru- dence devra répondre. Enfin, l’arrêt Sté AKKA Technologie 8 de 2019 apporte des précisions s’agis- sant de l’appréciation de la qualité d’organisme de recherche privé agréé, en cas d’agrément au cours de la réa- lisation d’un projet. En effet, il existe une incertitude pour le titulaire du droit au CIR en cas de période tran- sitoire quand un organisme privé change de statut (agréé ou non). Ainsi, la cour de Paris juge que la qualité d’organisme agréé s’appré- cie au cours de la période pendant laquelle les projets de recherche sont « conduits » : on doit donc retenir non pas un stade précis de la réalisation du contrat de recherche, autrement dit un instant « T », mais une période. La notion de « projets conduits » devra

être précisée ultérieurement par la jurisprudence, ainsi que ses points de départ et d’arrivée. La cour exclut que la date de facturation constitue la date d’appréciation d’existence de l’agrément. Les critères de la date de contractualisation et de la date de facturation apparaissent aussi fonctionnels l’un que l’autre, il nous semble que le premier présenterait l’avantage de respecter les attentes légitimes de l’entreprise qui s’est engagée avec un organisme agréé en prenant notamment en compte l’avantage fiscal dont elle pouvait légitimement se croire en capacité d’obtenir. En outre, la question se posera en présence d’un contrat cadre où la date de facturation présenterait un risque. Cet arrêt important quand on connait les conséquences de la qualité d’organisme de recherche privé agréé sur le coût des travaux de R&D engagés. 1— CAA Lyon, 5 e ch. A, 27 juin 2019 n° 17LY02989, LIM SAS 2— CE, 19 juillet 2016, n° 380176, SAS Fruitofood 3— Article R.196-1 du LPF et CAA Lyon, 2 e ch, 8 décembre 2009, n° 07LY02037, Eyraud 4—CE, sect, 29 janvier 2003, Cne d’Annecy, req. n° 24790 5— CE, 8 e et 3 e ch., 5 mars 2018, n° 416836, Sté Lunalogic 6— CE, 23 janvier 2020, n° 430846, SCA France Teinture 7— CAA Versailles, 3 e ch., 22 janvier 2019, n° 17VE01733 et n° 17VE03361, Sté Cap Gemini et CAA Versailles, 3 e ch., 22 janvier 2019, n° 17VE01717, SA Altran Technologies 8— CAA Paris, 10 décembre 2019, n° 17PA02276

49 FINANCE&GESTION | Juillet Août 2020

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CONSEILS

Compte tenu des principes (posés par la législation) et des tempéraments (apportés par la jurisprudence), il convient d’attacher une attention particulière à la rédaction du contrat de sous-traitance en matière de R&D.

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