Finance&Gestion 381 (Juillet/Août 2020)
Contrôle de gestion environnementale et sociétale
Dossier
Approche par la valeur Une approche par la valeur repose, quant à elle, sur l’actualisation des bénéfices attendus des ressources humaines. Ramenée à la question des RPS, l’organisation serait détentrice d’un capital qu’elle peut continuer à augmenter avec de nouveaux investis- sements dans la prévention des RPS de ses salariés. Aujourd’hui de nombreux programmes santé proposent, voire imposent, un ensemble de disposi- tifs censés améliorer la santé psy- chosociale (déconnexion numérique, activités sportives, team building, sophrologie…) qui sont pour beau- coup cosmétiques et qui permettent à l’entreprise de communiquer sur ces bonnes pratiques, mais à aucun moment de pouvoir justifier du main- tien du capital santé des salariés. Ce décalage est en quelque sorte une forme de greatwashing, découplage progressif entre les réalités internes et l’affichage externe de la santé au travail par l’entreprise. Approche par les coûts d’opportunité La méthode consiste à évaluer les écarts entre la situation réelle de l’en- treprise et sa situation théorique opti- male. Les dysfonctionnements ainsi identifiés peuvent représenter des coûts «cachés» à l’organisation. Dans le cas des risques psychosociaux, cette méthode présuppose l’existence d’un optimum psychosocial qui cor- respondrait à l’état de santé men- tale à même de garantir un niveau de productivité optimal du salarié. La méthode place par ailleurs davantage l’humain comme une cause de ces pertes d’opportunité (coûts cachés) et moins comme le réceptacle de consé- quences délétères pour sa santé. Les limites de cette approche sont fortes en particulier parce qu’elles reposent davantage sur le diagnostic indivi- duel et sur une logique de coût de réparation. Or, si l’on veut prévenir
durablement les RPS dans les organi- sations, il est nécessaire de déployer des actions au niveau des facteurs de risque et donc de réfléchir non pas en coût de réparation ou en coût de com- pensation mais en coût de prévention.
Une deuxième piste se situe dans l’ingénierie de nouveaux types d’es- paces de discussion dans lesquels pourraient être débattues et pro- posées des évolutions de la struc- ture organisationnelle, des outils de gestion ou encore du management. L’acceptation par le management de débattre de propositions structu- rantes nécessite également une forme de confiance dans la capacité des subordonnés à être force de propo- sitions, la confiance, notion parfois antinomique avec celle de contrôle. Cela demande de ne pas piloter l’or- ganisation que par la fixation d’objec- tifs et des analyses d’écart, mais d’ac- cepter que les agents et les collectifs puissent contribuer à «réguler» l’orga- nisation grâce au crédit qui leur serait accordé, mais n’est-ce pas qu’on peut attendre d’un business partner? En conclusion, la place centrale qu’occupe le contrôle de gestion dans sa capacité à diffuser de l’informa- tion et à accompagner les décisions, fait de celui-ci une partie prenante à la gestion et au contrôle des RPS. Mais les fortes limites des approches clas- siques en contrôle de gestion invitent à de nouveaux développements. Le contrôle de gestion des RPS reste donc un défi car il nécessite de repenser les méthodes d’identification et de contrôle des risques professionnels à la fois dans une démarche collabora- tive et par une meilleure intégration dans les systèmes de gestion avec un enracinement progressif d’une nou- velle culture d’entreprise.
Pistes pour un contrôle de gestion des RPS à la hauteur des enjeux
Pour les RPS, la question est donc de savoir comment en rendre compte. Ainsi une première piste réside dans la capacité d’un contrôle de ges- tion des RPS à ne plus partir des conséquences visibles sur quelques salariés. En s’appuyant sur les ques- tionnaires nationaux de la DARES (disponibles sur leur site), il est pos- sible de construire un tableau de bord adapté à chaque structure pour évaluer les facteurs de risque orga- nisationnels. Le tableau de bord des différentes dimensions ainsi réalisé permet de rendre compte des fac- teurs organisationnels à prendre en compte ou non et de construire un plan d’action en amont des risques. La budgétisation de ce plan d’action est assimilable à un coût de préven- tion dans le but de préserver le capi- tal santé des salariés. En parallèle, et conformément aux recommandations de l’ANACT, on peut également dres- ser des tableaux de bord pour rendre compte des actions qui cherchent à amoindrir ou à compenser les effets délétères sur les individus.
31 FINANCE&GESTION | Juillet Août 2020
IL EST POSSIBLE DE CONSTRUIRE UN TABLEAU DE BORD ADAPTÉ À CHAQUE
STRUCTURE POUR ÉVALUER LES FACTEURS DE RISQUE ORGANISATIONNELS
Cet article est un résumé extrait d’une étude scientifique plus large: Revue de l’Organisation Responsable.
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