Finance&Gestion 381 (Juillet/Août 2020)
Tribune
POINTS À RETENIR •L’assurance a ses limites, elle gagnerait à mieux les faire connaître. •Tous les événements ne sont pas assurables mais existe « au-delà du risque », la représentation sociale d’un destin commun. •L’assurance, objet économique, est un dur rappel à la réalité : si nous sommes tous indemnisés, personne n’est sauf. On recourt alors à la solidarité, mutualisation ultime. •Le meilleur investissement reste la prévention, privée en France d’image séduisante. •Indemniser partiellement la pandémie ex gratia coûte cher. Mais ne pas le faire peut coûter davantage.
Actualités
À catastrophe ultime, mutualisation ultime
mages. Si cela correspond à un risque défini et accepté, la réglementation impose une provision à l’assureur, qui doit indemniser le sinistre, si vérifié. La jurisprudence de première instance vient de le confirmer, comme rappelé plus haut.. Catastrophe naturelle? Il a été suggéré de recourir au fonds d’indemnisation des catastrophes naturelles. Ces fonds (comme aussi le « pool atomique ») indemnisent des événements dépassant les mécanismes de l’assurance. Mais il doit s’agir d’une catastrophe: événement fortuit, violent mais circonscrit dans l’espace et le temps. Or, un fonds utilisé hors de sa mis- sion d’origine pourrait ne plus la remplir. Pandémie = « tout le peuple ». Indemniser tout le monde, c’est au-delà de l’assurance. Pandémie, en grec signifie « tout le peuple ». C’est au-delà de l’assurance, dont la fonction technique – l’assu- reur étant mutualiste ou non – est de créer une mutualité. Chacun cotise pour qu’en cas de sinistre, les victimes reçoivent les fonds fournis par les autres assurés, non affectés. Si tous sont victimes, plus de mutualisation et donc, plus d’assurance. Un assureur s’il en a les moyens et la volonté, peut décider une indemnisation ex gratia. C’est alors un redoutable argument commercial. LA MUTUALISATION, JEU À SOMME NULLE, NE PEUT RESTITUER DAVANTAGE QUE LES SOMMES RECUEILLIES 4
Ainsi, le risque sismique au Japon est-il peu proposé et encore moins sous- crit, le risque étant pourtant perçu par tous. Un fonds existe si les assureurs sont dépassés qui lui-même, au-delà, déclenche un mécanisme d’indemni- sation étatique. C’est la réponse de nombre de gouvernements à la pan- démie et ses conséquences, avec leur banque centrale.
Gestion vitale quand se réalise un risque inédit par son ampleur et ses consé- quences. Le contribuable et ses descen- dants sont bien le réassureur de l’Etat assureur, mais aussi ses bénéficiaires. La diffusion apaisée d’une culture com- mune réelle mais non énoncée, permet- trait une gestion collective du risque plus efficace. (Le même enjeu vaut pour le destin de notre dispositif de retraite). L’assureur montre l’exemple quand il investit de la manière la plus rentable pour tous: la prévention! Le Japon, dont les codes graphiques sont en osmose avec les jeunes générations françaises, sait rendre la prévention séduisante. Les assureurs français font de la prévention mais pour la valoriser, pourraient regar- der dans cette direction. Au-delà de la technique (mutualisation impossible), du droit (événement exclu ou hors contrat), les assureurs doivent penser leur image et démontrer leur rôle social. Indemniser ex gratia coûte certes, mais bien présenté, c’est in fine, plutôt favorable aux assureurs – aussi. 1— En anglais, « Buzz Lightyear » , désigne l’astronaute-jouet de la suite de films d’animation « Toy Story » , des studios Pixar/Disney. Personnage inspiré d’Edwin Eugene « Buzz » Aldrin (1930- ), second humain ayant posé le pied sur la Lune, après Neil Armstrong, le 21 juillet 1969.. 2— Union entre: l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. La participation du Vénézuela est suspendue depuis 2016 et la candidature de la Bolivie, en cours d’examen 3— Un siècle de jurisprudence borne désormais le contre-exemple de la responsabilité automobile illimitée. 4— Modulo certes, les effets des investissements et de la réassurance, qui ne sont cependant pas en mesure de renverser le paradigme
9 FINANCE&GESTION | Juillet Août 2020
Philosophie politique et représentation d’un destin commun
Le défi de la réponse actuelle dépasse la statistique et le droit car procède aussi de la philosophie et de la socio- logie, posant une représentation col- lective de notre destin commun. Une société d’extrême aversion au risque – la nôtre? – peut imaginer un fonds « risques majeurs, non définis ». Vite dépassé en cas de pandémie, il pourrait contribuer cependant dans l’urgence. L’Etat, réassureur ultime? L’Etat, quand assureurs et fonds d’in- demnisation sont dépassés, assume en dernier ressort. En France, l’Etat serait son propre assureur. Il procède aussi par mutualisation… du sinistre. Par création de dette ou collecte d’impôt: la dette se mutualise sur les généra- tions futures (corona bonds compris), car l’impôt concerne le contribuable contemporain et futur. L’Etat et ses assurés Cette gestion étatique n’est pas cho- quante, fournissant symétriquement une protection à juste titre appréciée.
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