Finance&Gestion 381 (Juillet/Août 2020)

Contrôle de gestion environnementale et sociétale

N° 381 | Juillet Août 2020 La revue des dirigeants financiers

DOSSIER

Contrôle de gestion environnementale et sociétale

PORTRAIT Géraud Guibert, Un autre regard «écologique» sur le monde d’après TRIBUNE Alerte à la contamination des entreprises victimes des retards de paiement

www.finance-gestion.com 25€

• ANTICIPEZ VOS BESOINS • SÉLECTIONNEZ DES EXPERTS ET DES SOLUTIONS

LE VÉRITABLE OUTIL D’AIDE À LA DÉCISION POUR LES DIRECTIONS FINANCIÈRES !

www.expertises-solutions.fr

53 e année - Publication mensuelle Éditeur: Association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG) Association loi 1901 27 rue Duret - 75116 Paris (France) Tél.: +33 1 42 27 93 33 Fax: +33 1 42 27 04 03 Finance&Gestion est membre de la FNPS (Fédération Nationale de la Presse Spécialisée) et du SPEJP (Syndicat de la Presse Economique, Juridique et Politique). La revue sur internet www.finance-gestion.com Fondateur Georges Mathey Directeur de la publication Daniel Bacqueroët Présidente du Comité éditorial Aude Rigaudière Vice-présidents du Comité éditorial Isabelle Massa et Philippe Robert-Tanguy Comité éditorial Armand Angeli (international); Jérôme Bogaert (droit et fiscalité); Hervé Boullanger (services publics); Michèle Canovaggio (lire); Dominique Chesneau (finance et trésorerie); Pascal Corcos ; Anne Defrenne (gestion des risques et contrôle interne); Benjamin Dreveton (contrôle de gestion); Yvon Farnoux (portrait); Hervé Gbego (RSE); Laetitia Legalais (contrôle de gestion); Denis Molho (SI et nouvelles technologies); Sophie Mouterde (hommes et management); Aude Rigaudière (en aparté); Stéphane Sabbah (SI et nouvelles technologies). Membre correspondant Laetitia Legalais Coordination du numéro Charles Bonati, Céline Galet et Tess Della Torre Abonnement à Finance&Gestion Offre Web + Print Prix adhérent DFCG: 155 €/an Prix non adhérent DFCG: 239 €/an abonnements@finance-gestion.com Demander un bulletin d’abonnement par mail Publicité Florence Blanchard déléguée au développement (+33 1 42 27 81 15) florenceblanchard@dfcg.asso.fr Conception graphique Oxygène communication Images et graphiques d’illustrations stock.adobe; Oxygène communication Image de Couverture stock.adobe Impression Imprimerie de Champagne, Zone industrielle « Les Franchises »,

PAR AUDE RIGAUDIÈRE Présidente du Comité éditorial de Finance&Gestion

Viables et vulnérables

Ces derniers mois, tous les directeurs financiers et de contrôle de gestion ont été à la barre.

Plongés dans la tempête (et face à celle qui arrive), il leur a fallu rapide- ment analyser, juger, décider et se projeter alors que le niveau d’incerti- tude atteignait, pour la plupart d’entre eux, des sommets jamais connus. C’est dans cette intensité de l’action de secours, de réorientation plus ou moins radicale de nos entreprises que nous prenions conscience de notre rôle: assurer leur viabilité et les protéger. Il a été marquant de constater combien, dans cette période agitée, il nous a fallu à la fois revenir à des fondamentaux et nous montrer souples et réactifs. Pour ce qui est des fondamentaux, il nous a fallu «  reforecaster » les prévisions de résultats, les «  re-reforecaster » et les «  re-re-reforecaster » , modéliser la trésorerie. Pour ce qui est du plus inédit, il nous a fallu absorber et nous saisir en temps réel des mesures gouver- nementales complètement nouvelles. Alors qu’à l’échelle individuelle, face au virus, nous semblions reprendre conscience de notre condition mortelle, il en était de même collecti- vement pour nos organisations. Nous les redécouvrions vulnérables, en puissance balayées par une catastrophe écologique, sanitaire ou un conflit. Tout cela nous a rappelé qu’elles sont, tout comme nous-mêmes, éminemment liées aux autres, à un écosystème. La maîtrise complète en est alors plus complexe puisque dépendante de paramètres sur lesquels nous n’avons pas complètement la main. Le dossier central de ce mois est consacré au contrôle de gestion social et environnemental. En un sens, cette discipline vise à capturer les indi- cateurs sur les charnières entre le dedans et le dehors de l’entreprise. Les risques psycho-sociaux et l’empreinte carbone sont, pour ne citer qu’eux, ces marqueurs de vulnérabilité mais aussi de viabilité à plus long terme.

3 FINANCE&GESTION | Juillet Août 2020

52200 Langres ISSN 2270-3101 DÉPÔT LÉGAL: Juillet Août 2020 CPPAP 0420G87484 Prix: 25 €

Que sa lecture vous permette de méditer, prendre un second souffle et un peu de recul pendant l’été!

Bonne lecture!

finance&gestion c’est :

une revue dédiée aux (10 numéros/an) un site :

un accès au blog Vox-Fi

+

TARIF ADHÉRENT

TARIF NON ADHÉRENT 155€ TTC /an (web + print) 239€ TTC /an (web + print)

ABONNEZ-VOUS !

PLUS D’OFFRES ET D’INFOS SUR

EXPERTISES Comptabilité

Savoir, échanger, servir Georges Mathey, fondateur de la revue

36

ESEF, le format européen pour une nouvelle communication financière PAR THOMAS VERDIN Systèmes d’information Nouveau format des comptes annuels des sociétés cotées PAR PIERRE HAMON RSE Intégration financière de la RSE PAR CÉLINE LECOMPTE CHARTON ET MICHELE BARISIONE Gestion des risques et contrôle interne 45 Aborder les risques autrement : plaidoyer pour le renseignement économique PAR RAQUEL GRASE Droit et fiscalité 48 Crédit d’impôt recherche : l’argent ne dort jamais ! PAR GUILLAUME MASSÉ ET ANNE-CLÉMENCE PIROTH Hommes et management 50 Le travail au temps du Covid PAR SOPHIE MOUTERDE International 52 Les Emirats Arabes Unis, un hub régional incontournable au Moyen-Orient PAR JEAN-PIERRE LABRY 39 42

N°381 | Juillet Août 2020

ACTUALITÉS Trajectoires

6

Tribune

7

Alerte à la contamination des entreprises victimes des retards de paiement PAR JEAN-LOUIS MULLENBACH Le philosophe, l’assureur et la pandémie : vers l’assurance infinie et au-delà !

PAR JEAN-FRANÇOIS ESTIENNE

L’épargne salariale et l’actionnariat salarié : leviers fédérateurs et sources de financement pour les entreprises post Covid-19

5 FINANCE&GESTION | Juillet Août 2020

PAR SOPHIE LEBEAU

Portrait

14

Géraud Guibert Un autre regard «écologique» sur le monde d’après ! Le bateau papillon

INTERVIEW RÉALISÉE PAR YVON FARNOUX

DOSSIER Contrôle de gestion environnementale et sociétale

35

ŒIL DU FINANCIER

PAR ALBAN EYSSETTE

20

ACTU DFCG

En bref

56

Agenda

58

Bienvenue

59

60

LIRE

EN APARTÉ 62 Si l’argent n’a pas d’odeur l’odeur, elle, vaut de l’or ! PAR JACQUELINE PADILLA

Trajectoires

VINCENT MOREAU

THIERRY ZARAGOZA

CORENTIN DE GASTINES Grand Parc du Puy du Fou

Ministère de la Transition écologique et solidaire

Actualités

Banque populaire Auvergne Rhône- Alpes (BPCE)

Corentin de Gastines est nommé responsable financier du Grand Parc du Puy du Fou. Il est diplômé de l’HEI en 2011 puis d’Audencia en 2014.

Thierry Zaragoza est promu directeur général adjoint en charge du pôle Finances, Engagements et Informatique de la BPAURA. Âgé de 59 ans, il est diplômé de KEDGE (1984).

Vincent Moreau est promu directeur des affaires financières du Ministère de la Transition écologique et solidaire. Âgé de 44 ans, il est diplômé de Science Po Paris (1995) et de la promotion 2002 de l’ENA.

CLOTILDE DELBOS Renault

THOMAS HAINEZ Galimmo

ANTOINE LALLIER Prudentia Capital

Thomas Hainez est nommé directeur administratif et financier de Galimmo Real Estate et Galimmo SCA et directeur de la conformité. Âgé de 46 ans, il est diplômé de l’ISG (1997).

Antoine Lallier est nommé directeur

Clotilde Delbos,

administratif et financier de Prudentia Capital. Il est titulaire d’un DESS audit de l’université Paris-Dauphine (2003).

directeur financier du groupe Renault, deviendra également directeur général adjoint à compter du mois de juillet 2020. Âgée de 52 ans, elle est titulaire d’un MBA de l’EMLYON Business School (1989).

6 FINANCE&GESTION | Juillet Août 2020

ERIC ALZAS Gras Savoye Willis Towers Watson

CÉCILE BOYER Groupe Gambetta

LAURENCE SUCHAUD Sony Music

Entertainment France (Sony)

Cécile Boyer est nommée directeur administratif et financier du Groupe Gambetta. Âgée de 42 ans, elle est diplômée de l’EMLYON Business School (2000).

Eric Alzas est promu directeur financier

de Gras Savoye Willis Towers Watson. Il est titulaire d’un master de finance de l’EDHEC (1997).

Laurence Suchaud est promue responsable financier des

développements et diversification au sein de Sony Music Entertainment

France. Elle est diplômée de KEDGE Business School (2001).

MARIE WEMAËRE Hachette Education (Lagardère Groupe)

NATHALIE PIERRE Saria France (Rethmann AG & Co)

AGNÈS BUTTERLIN Teréga (Total)

Agnès Butterlin est nommée directeur

Marie Wemaëre est promue

Nathalie Pierre a été nommée directeur

finance et achats de Teréga, filiale de Total. Âgée de 49 ans, elle est diplômée de Grenoble Ecole de Management (1992).

directeur de gestion de Hachette Education. Elle est titulaire d’un master en business administration

administratif et financier de Saria France. Âgée de 50 ans, elle est diplômée de l’ESCP Europe (1991).

ainsi que du bachelor of art business administration de Rennes School of Business.

Tribune

Alerte à la contamination des entreprises victimes des retards de paiement Environ 75 Md€ de moins dans les caisses des fournisseurs depuis le Covid-19

pour l’ensemble des pays analysés. Les faibles variations sur cette période d’avant pandémie sont principalement dues aux cadences de facturation et aux processus de règlement des entre- prises. Sur cette période, a été calculée la moyenne du taux d’impayés, qualifiée de moyenne habituelle, soit un retard supérieur à dix jours au delà de la date d’échéance de la facture. Celle-ci per- met de comparer le taux d’impayés à une date donnée avec cette moyenne d’avant la période de pandémie. Sans surprise, les retards de paiement constatés s’envolent à compter du 11 mars dans les pays les plus touchés par la crise sanitaire pour atteindre une croissance des factures impayées explosive par rapport à la moyenne habituelle. En comparaison avec cette moyenne de référence propre à chaque pays (19,25% pour la France), les retards de paiement grimpent de 80% en Italie, 56% en France, 52% en Espagne et 44% en Belgique. En extrapolant les chiffres constatés au 13 avril 2020 par SIDETRADE, por- tant en France sur plus de 11,3 Md€ de crédit interentreprises dont 3,4 Md€ de factures impayées, à l’ensemble du crédit interentreprises dans notre pays (700 Md€), le montant total de ces impayés serait au 13 avril 2020, de 210 Md€ (30% de factures impayées ) là où ces mêmes retards se situaient habi- tuellement autour de 135 Md€ (19,25% de factures impayées), soit un impact énorme de 75 Md€ de trésorerie en moins pour les entreprises subissant ces retards de paiement. Face à une telle explosion des retards de règlement observée depuis le 11 mars dernier, Bercy a déclaré que toute entreprise qui ne jouerait pas le jeu vis- à-vis de ses fournisseurs en matière de délais de paiement « perdrait systéma- tiquement la garantie de l’Etat sur l’ob- tention potentielle d’un crédit bancaire » . En cette période de crise sanitaire et économique, une solidarité des entre- prises est impérative. À défaut, la pra- tique du « name and shame » s’impo- sera. Des groupes comme LAFARGE, LE PRINTEMPS et VINCI ont déjà été mon- trés du doigt. Le respect des délais de paiement est le ciment de l’économie. La DFCG ne manquera pas de surveiller les «  trackers » hebdomadaires publiés par SIDETRADE.

Actualités

à une dizaine de jours, peuvent en effet engendrer: – des difficultés de trésorerie com- promettant la viabilité des entreprises sous-traitantes au détriment des PME et au bénéfice des donneurs d’ordre, – un effet domino sur l’ensemble de l’éco- nomie, les comportements retardataires en chaîne étant susceptibles d’entraîner les entreprises dans un cercle vicieux. Conscient de ce risque majeur pour l’économie française du fait de la pandé- mie, le gouvernement s’est saisi du sujet dès le 23 mars 2020 en convoquant le premier comité de crise sur les délais de paiement. Le Médiateur des entreprises et le Médiateur national du crédit ont alors indiqué avoir déjà enregistré, en deux semaines, l’équivalent de trois mois de saisine. La Médiation du crédit enre- gistre aujourd’hui une explosion des sai- sines, avec 1400 dossiers éligibles auprès de la Banque de France. Quel est le poids réel des factures impayées? Quelles sont les évolutions observées depuis le début de la pandé- mie? Quelles sont les différences entre la France et ses voisins européens? Pour répondre à ces questions, l’éditeur de logiciel SIDETRADE a publié hier 22 avril une étude approfondie restituant, semaine après semaine, l’évolution des comportements de paiement de plus de 3,7 millions d’entreprises au sein de six pays européens (France, Royaume Uni, Espagne, Belgique, Italie, Pays-Bas). Ce «  tracker » hebdomadaire s’appuie sur l’analyse statistique de 26 millions de factures totalisant 54 Md€ de transac- tions interentreprises. Du 1 er janvier au 11 mars 2020, date de la déclaration de pandémie Covid-19 par l’OMS, l’étude SIDETRADE affiche une relative stabilité des retards de paiement se situant autour de 20%

L e crédit interentreprises est le crédit financier que les entreprises s’ac- cordent entre elles dans le cadre de leurs relations commerciales. Il résulte des délais de paiement contractuels convenus entre elles. C’est la principale composante du BFR (besoins en fonds de roulement). Il s’agit essentiellement des délais de règlement accordés: – par l’entreprise à ses clients (crédit client), – à l’entreprise par ses fournisseurs (cré- dit fournisseur), avec un déséquilibre en faveur des créances clients dû au rap- port de force entre les entreprises. Le crédit interentreprises est un enjeu majeur pour l’économie française avec un montant évalué par la Banque de France à environ 700 Md€, ce qui en fait la première source de financement des entreprises. Il représente à lui seul l’équi- valent de trois à quatre fois le montant des crédits à court terme accordés aux entreprises par l’ensemble des banques. Chaque année, sur la période récente, la Banque de France estime que les retards de paiement sont à l’origine d’une faillite d’entreprise sur quatre, impactant princi- palement les PME. Selon ALTARES, six entreprises françaises sur dix ne respectent pas les délais de paiement contractuels. Les retards de paiement, estimés chaque année par l’Observatoire des délais de paiement PAR JEAN-LOUIS MULLENBACH Co-Président du Comité éditorial de Vox-Fi, Expert près la cour d’appel de Paris (Æquido)

7 FINANCE&GESTION | Juillet Août 2020

Tribune

Actualités

Le philosophe, l’assureur et la pandémie : vers l’assurance infinie et au-delà !

L’assurance et son espace « Vers l’infini et au-delà! » , est sa devise: l’astronaute « Buzz l’éclair » 1 , ne connaît pas de limite. L’assurance infinie serait encore plus osée. On trouve en Guyane, équipée pour le tir spatial, la frontière de l’assurance. Les satellites sont assurables, mais après un certain nombre de tirs réussis. Non pour la loi des grands nombres, mais pour associer une probabilité au mon- tant assuré. L’assureur accepte un risque et calcule une prime. En l’en- caissant, le risque lui est transféré et il s’engage à verser le montant accordé si l’aléa se réalise. L’assurance infinie? L’assurance n’est pas infinie, mais qui conduit un véhicule en France doit assurer sa responsabilité civile, pour un montant illimité, car le juge fixe sou- verainement le montant de l’indemni- sation. On trouve aussi en Guyane le pont sur le fleuve Oyapock, la reliant au Brésil. C’est la plus grande frontière terrestre de la France, séparant l’Union Européenne du Mercosul 2 . Le défaut d’accord binational sur l’assurance des véhicules terrestres à moteur freine les échanges entre les deux rives. Le Brésil ne peut accepter une assurance dont le montant n’est pas défini et la France exige une garantie illimitée. C’est, litté- ralement, « la frontière de l’assurance ».

Aux confins de l’assurance, la représentation du risque À l’autre bout du monde en 2011, la faculté de la science du risque de l’uni- versité du Kansai à Ōsaka, travaille d’arrache-pied après la terrible catas- trophe de Fukushima. Cet accident technologique majeur résulte d’un tsunami d’une ampleur imprévue. Les étudiants pensent une ville nouvelle avec une tour au centre, refuge des habitants en cas de « mega-tsunami ». La hauteur du mur d’enceinte? « La vague de Fukushima, plus un mètre ». Les assureurs doivent en cas de catas- trophe définir l’événement maximal. Mais la nature en aura-t-elle cure? Pandémie et indemnisation des pertes d’exploitation Face à la pandémie, les entrepreneurs demandent le bénéfice de la garan- tie de perte d’exploitation sans dom- FRÉQUENCE MESURABLE ET INTENSITÉ MAXIMALE 3 , POUR UN ÉVÉNEMENT FORTUIT MAIS PRÉALABLEMENT DÉFINI LA LIMITE DE L’ASSURANCE :

La récente condamnation d’un assureur obtenue par son assuré entrepreneur montre que la pandémie de 2020 révèle tant les limites de l’assurance que son rôle. Les assureurs, au-delà, peuvent valoriser leur rôle social par une indemnisation ex-gratia ciselée. En-deçà, ils s’exposent à la contrainte judiciaire ou gouvernementale. Un risque non exclu…

8 FINANCE&GESTION | Juillet Août 2020

PAR JEAN-FRANÇOIS ESTIENNE Économiste japonisant et développeur international

Tribune

POINTS À RETENIR •L’assurance a ses limites, elle gagnerait à mieux les faire connaître. •Tous les événements ne sont pas assurables mais existe « au-delà du risque », la représentation sociale d’un destin commun. •L’assurance, objet économique, est un dur rappel à la réalité : si nous sommes tous indemnisés, personne n’est sauf. On recourt alors à la solidarité, mutualisation ultime. •Le meilleur investissement reste la prévention, privée en France d’image séduisante. •Indemniser partiellement la pandémie ex gratia coûte cher. Mais ne pas le faire peut coûter davantage.

Actualités

À catastrophe ultime, mutualisation ultime

mages. Si cela correspond à un risque défini et accepté, la réglementation impose une provision à l’assureur, qui doit indemniser le sinistre, si vérifié. La jurisprudence de première instance vient de le confirmer, comme rappelé plus haut.. Catastrophe naturelle? Il a été suggéré de recourir au fonds d’indemnisation des catastrophes naturelles. Ces fonds (comme aussi le « pool atomique ») indemnisent des événements dépassant les mécanismes de l’assurance. Mais il doit s’agir d’une catastrophe: événement fortuit, violent mais circonscrit dans l’espace et le temps. Or, un fonds utilisé hors de sa mis- sion d’origine pourrait ne plus la remplir. Pandémie = « tout le peuple ». Indemniser tout le monde, c’est au-delà de l’assurance. Pandémie, en grec signifie « tout le peuple ». C’est au-delà de l’assurance, dont la fonction technique – l’assu- reur étant mutualiste ou non – est de créer une mutualité. Chacun cotise pour qu’en cas de sinistre, les victimes reçoivent les fonds fournis par les autres assurés, non affectés. Si tous sont victimes, plus de mutualisation et donc, plus d’assurance. Un assureur s’il en a les moyens et la volonté, peut décider une indemnisation ex gratia. C’est alors un redoutable argument commercial. LA MUTUALISATION, JEU À SOMME NULLE, NE PEUT RESTITUER DAVANTAGE QUE LES SOMMES RECUEILLIES 4

Ainsi, le risque sismique au Japon est-il peu proposé et encore moins sous- crit, le risque étant pourtant perçu par tous. Un fonds existe si les assureurs sont dépassés qui lui-même, au-delà, déclenche un mécanisme d’indemni- sation étatique. C’est la réponse de nombre de gouvernements à la pan- démie et ses conséquences, avec leur banque centrale.

Gestion vitale quand se réalise un risque inédit par son ampleur et ses consé- quences. Le contribuable et ses descen- dants sont bien le réassureur de l’Etat assureur, mais aussi ses bénéficiaires. La diffusion apaisée d’une culture com- mune réelle mais non énoncée, permet- trait une gestion collective du risque plus efficace. (Le même enjeu vaut pour le destin de notre dispositif de retraite). L’assureur montre l’exemple quand il investit de la manière la plus rentable pour tous: la prévention! Le Japon, dont les codes graphiques sont en osmose avec les jeunes générations françaises, sait rendre la prévention séduisante. Les assureurs français font de la prévention mais pour la valoriser, pourraient regar- der dans cette direction. Au-delà de la technique (mutualisation impossible), du droit (événement exclu ou hors contrat), les assureurs doivent penser leur image et démontrer leur rôle social. Indemniser ex gratia coûte certes, mais bien présenté, c’est in fine, plutôt favorable aux assureurs – aussi. 1— En anglais, « Buzz Lightyear » , désigne l’astronaute-jouet de la suite de films d’animation « Toy Story » , des studios Pixar/Disney. Personnage inspiré d’Edwin Eugene « Buzz » Aldrin (1930- ), second humain ayant posé le pied sur la Lune, après Neil Armstrong, le 21 juillet 1969.. 2— Union entre: l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. La participation du Vénézuela est suspendue depuis 2016 et la candidature de la Bolivie, en cours d’examen 3— Un siècle de jurisprudence borne désormais le contre-exemple de la responsabilité automobile illimitée. 4— Modulo certes, les effets des investissements et de la réassurance, qui ne sont cependant pas en mesure de renverser le paradigme

9 FINANCE&GESTION | Juillet Août 2020

Philosophie politique et représentation d’un destin commun

Le défi de la réponse actuelle dépasse la statistique et le droit car procède aussi de la philosophie et de la socio- logie, posant une représentation col- lective de notre destin commun. Une société d’extrême aversion au risque – la nôtre? – peut imaginer un fonds « risques majeurs, non définis ». Vite dépassé en cas de pandémie, il pourrait contribuer cependant dans l’urgence. L’Etat, réassureur ultime? L’Etat, quand assureurs et fonds d’in- demnisation sont dépassés, assume en dernier ressort. En France, l’Etat serait son propre assureur. Il procède aussi par mutualisation… du sinistre. Par création de dette ou collecte d’impôt: la dette se mutualise sur les généra- tions futures (corona bonds compris), car l’impôt concerne le contribuable contemporain et futur. L’Etat et ses assurés Cette gestion étatique n’est pas cho- quante, fournissant symétriquement une protection à juste titre appréciée.

Tribune

Actualités

10 FINANCE&GESTION | Juillet Août 2020

L’épargne salariale et l’actionnariat salarié : leviers fédérateurs et sources de financement pour les entreprises post Covid-19 Quelles opportunités pour les entreprises?

L’année 2019, marquée par la mise en œuvre de la Loi PACTE 1 , a donné un nouvel élan aux mécanismes de partage de la valeur et à l’actionnariat salarié grâce à son lot de bonnes mesures. L’Association Française de Gestion (AFG) constate d’ailleurs au 31 décembre 2019 une meilleure diffusion avec désormais +378 000 entreprises équipées, de toutes tailles, en hausse de +11% sur un an pour près de 11 millions de salariés 2 .

Tribune

Actualités

PAR SOPHIE LEBEAU Amundi Epargne Salariale et Retraite, Secrétaire Générale

E t les sommes gérées en actionnariat salarié au 31 décembre 2019, c’est-à- dire investies en titres des entreprises cotées et non cotées françaises repré- sentent 54,7 Mrds € sur les 144,8 Mrds € d’encours d’épargne salariale soit 38% en hausse de +19% sur un an. Ces actifs, clai- rement investis dans l’activité réelle parti- cipent activement au financement de long terme du tissu économique français. C’est une épargne utile et indispensable. Rappelons que même si la France est championne d’Europe (voire du monde) en matière d’actionnariat salarié avec près de 3 millions d’actionnaires salariés, le Gouver- nement s’est fixé comme objectif d’atteindre à horizon 2022, 10% de salariés actionnaires de leur entreprise (là où nous sommes aujourd’hui à 4,72% 3 ). La crise sanitaire Covid-19 que nous tra- versons depuis la mi-mars 2020 a donné un coup d’arrêt à l’activité de nombreuses entreprises françaises qui vont pour beau- coup d’entre elles devoir trouver de nou- velles sources de financement pour relancer «la machine» tout en continuant à motiver et à fédérer leurs salariés. Quelles conséquences la crise Covid-19 aura-t-elle sur les sommes versées au titre de l’épargne salariale en 2020 et en 2021? Cette année, les sommes distribuées au titre de la participation, de l’intéressement et de l’abondement par les entreprises restent sensiblement les mêmes qu’en 2019. En effet, elles sont basées sur les bons résultats de 2019. Bien souvent, les entreprises avaient anticipé ces versements, qui doivent être ver- sés, rappelons-le, avant le 1 er jour du 6 e mois qui suit la fin de l’exercice comptable, soit pour les entreprises qui ont une clôture au 31 décembre, avant le 1 er juin 2020.

financières ont la possibilité exceptionnelle- ment de reporter ces versements jusqu’au 31 décembre 2020 (selon l’ordonnance n° 2020- 322 du 25 mars 2020 suite à Loi d’urgence épidémie Covid-19 du 23 mars 2020). Un cer- tain nombre d’autres mesures d’assouplisse- ment en épargne salariale ont également été accordées cette année comme par exemple la signature des accords d’intéressement possible jusqu’au 1 er août 2020 pour une durée de 1 à 3 ans, la suspension temporaire du ver- sement de l’abondement ou encore le verse- ment de la prime PEPA (Prime Exceptionnelle de Pouvoir d’Achat) qui peut être doublée… 4 À ce jour, peu d’entreprises ont demandé le report de versement des sommes issues de la participation et de l’intéressement (sou- vent provisionnées). Les petites entreprises les plus fragiles, qui sont en exercice décalé (clôture post 31 décembre 2019) saisiront peut-être ces assouplissements au cours de l’année. En revanche, l’année 2021 sera sans nul doute marquée par des sommes distribuées aux salariés au titre de la participation, de l’inté- ressement et probablement de l’abondement en berne corrélativement aux futurs résultats 2020 en baisse. Il faudra sûrement faire preuve d’ingéniosité pour trouver d’autres leviers de motivation et d’intéressement des salariés.

11 FINANCE&GESTION | Juillet Août 2020

L’actionnariat salarié, une source de financement pour l’entreprise post crise Covid-19?

Par ailleurs, les entreprises vont dès la sortie de crise avoir besoin de fonds propres pour se recapitaliser et assurer leur pérennité et leur survie. Pour trouver des fonds, l’actionnariat sala- rié est un formidable levier de financement «gagnant-gagnant». L’entreprise comme le salarié, tout le monde a à y gagner. Pour l’entreprise, c’est un excellent moyen de lever des fonds et de renflouer ses capi- taux propres.

En 2020, en raison de la crise sanitaire Covid- 19, les entreprises rencontrant des difficultés

Tribune

du salarié. Dans le cadre de l’acquisition d’actions émises par l’entreprise, il peut être majoré de 80% jusqu’à 5923,58 € (14,4% du PASS) et être versé en numéraire ou en titres. Et depuis la loi PACTE, le forfait social a été abaissé à 10%. Depuis la loi PACTE, l’entreprise a également la possibilité de verser un «abondement unilatéral»: c’est-à-dire distribuer la même somme à tous les salariés sans versement personnel de leur part. Cela permet d’obtenir un taux d’adhésion à l’opération de 100%. À noter, le forfait social sur l’abondement uni- latéral est resté lui à 20%. C’est une nouvelle forme d’attribution gratuite d’actions à tous les salariés, plus avantageuse d’ailleurs et plus souple que le PAGA (Plan d’action Gra- tuite d’Actions). Depuis le 23 mai 2019 et la mise en place de la Loi PACTE, le prix des titres souscrits peut faire l’objet d’une décote par rapport au prix de référence de –30% en cas de blo- cage 5 ans et de –40% en cas de blocage 10 ans. Cet avantage est exonéré d’impôt sur le revenu et de taxe sur les salaires et n’entre pas dans l’assiette des cotisations sociales pour l’entreprise. Autre point, il est possible de proposer une opération avec le versement de l’intéres- sement ou sa participation. Dans ce cas le salarié n’a pas d’apport personnel nécessai- rement à faire. Ce qui peut permettre à plus de salariés d’y participer à moindre «coût». Nous constatons en général que, dans les opérations proposant le financement via l’in- téressement et la participation, plus de 50% de la souscription est financée par ces opé- rations collectives. Et près d’une opération sur deux propose l’intéressement et/ou la participation 6 . Au-delà des avantages financiers accordés éventuellement lors de l’opération, les clefs de succès d’une opération d’actionnariat salarié résident beaucoup dans la communi- cation et l’accompagnement des salariés. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces opérations ne sont pas l’apanage des grandes entreprises, ni des entreprises cotées en bourse. Nous constatons d’ailleurs depuis la Loi PACTE un réel intérêt des entre- prises de taille intermédiaire (ETI) non cotées pour ces opérations via des cessions de titres détenus par un actionnaire majoritaire. Ensuite, la décote est un amortisseur en cas de baisse de la valeur.

Cela permet aussi à l’entreprise de se consti- tuer un actionnariat stable. En effet, le sala- rié qui investit dans son entreprise via un FCPE (Fonds Commun de Placement d’Entre- prises), régi par le code du travail L214-165 et investi en titres de l’entreprise, conserve en moyenne plus de 13 années ses avoirs investis (5 années de blocage plus 8 années en moyenne). C’est la durée d’investissement moyenne en actionnariat salarié sur la tota- lité des avoirs investis en actionnariat salarié constaté chez les clients d’Amundi 5 . Associer les salariés à la création et au par- tage de la valeur contribue à aligner les intérêts des salariés, des dirigeants et des actionnaires aux résultats de l’entreprise. Cela renforce la culture «entreprise» ou «groupe», ou encore la marque employeur et le sentiment d’appartenance autour de l’action de l’entreprise. Cela a le mérite éga- lement de développer la culture financière et entrepreneuriale des collaborateurs. Et cela favorise l’intégration des salariés en cas de croissance externe surtout si les opérations sont renouvelées régulièrement. Cela véhicule également une bonne image RSE de l’entreprise lorsque les salariés sont associés à la Gouvernance avec la nomination des administrateurs actionnaires salariés. Les représentants des actionnaires salariés sont d’ailleurs porteurs d’une connaissance approfondie des rouages de l’entreprise, de son climat social, de son histoire, et sont un lien important entre l’entreprise et les sala- riés actionnaires. C’est fédérateur dans l’entreprise autour d’un projet commun et permet d’attirer de nou- veaux talents. Bien sûr, il ne faut pas omettre d’évoquer au salarié actionnaire les aléas possibles de la valeur du titre de l’entreprise. L’information sur les risques encourus est obliga- toire et essentielle. Mais à long terme, le salarié est forcé- ment gagnant, surtout si l’entreprise a complété la somme d’un abondement ou lui a fait bénéficier d’une décote. L’abondement est un complément offert par l’entreprise à ses sala- riés dans le cadre d’un versement personnel qui ne peut excéder 3290,88 € annuel (8% du PASS en 2020), ni 300% du versement

Actualités

12 FINANCE&GESTION | Juillet Août 2020

Tribune

En terme de coût, si les actions de l’entreprise sont gérées dans un FCPE (Fonds Commun de Placement d’Entreprise) prévoir un budget pour la gestion annuelle du fonds, enmoyenne, de l’ordre de 0,10% à 0,20% des encours gérés par la société de gestion (cela comprend le travail du gérant du fonds, la valorisation et l’administration du fonds) avec un minimum forfaitaire de 30K € annuels environ. Si les titres ou actions sont gérés en direct dans un compte titres, il faut aussi prendre en compte le coût de la gestion et l’administra- tion des comptes individuels créés. Seuls des frais de collecte seront nécessaires (possibi- lité intéressante pour les entreprises de plus petite taille et non cotées). Enfin, il est nécessaire également dans le budget de prévoir le coût de la collecte sou- vent déléguée au teneur de comptes épargne salariale (accès à un site web dédié sécu- risé pendant la phase de collecte, suivi de la collecte…). Ce coût est intimement lié, entre autres, au périmètre de l’opération.

Ne faudrait-il pas aller encore plus loin? En proposant par exemple l’intégration d’un fonds d’actionnariat salarié dans la gestion pilotée dans les dispositifs d’épargne retraite PERCO/ PER d’entreprise collectif, dispositifs d’avenir, qui sont amenés à se renforcer compte tenu du contexte de réforme des retraites et ainsi participer encore plus activement au finan- cement de long terme des entreprises via son employeur? Gérald Darmanin, alors Ministre de l’Action et des Comptes publics, a réaffirmé, le 24 mai dernier, le souhait de généraliser l’actionna- riat salarié, de le «simplifier et de l’étendre en versant aux salariés des montants importants et non plus symboliques…» . Des mesures gouver- nementales seront probablement prises dans ce sens prochainement. Pour que cela soit un véritable succès au sein de l’entreprise, une opération d’actionnariat salarié ne s’improvise pas. Il est important d’impliquer dès le démarrage un maximum d’acteurs dans l’entreprise: la Direction Finan- cière doit porter le sujet en parfaite coordina- tion avec les Ressources Humaines, la Com- munication Interne, la Direction Générale et bien entendu les représentants des salariés. La définition du périmètre (en cas de filiales à l’étranger par exemple), des règles de sous- cription (versement volontaire, participation, intéressement…) et des avantages offerts (décote, abondement, etc.) en sont les pre- mières bases. Il y a un coût d’investissement en temps non négligeable lors du lancement de toute pre- mière opération mais qui sera amorti lors de futures opérations. la communication au sein de l’entreprise aux salariés est essentielle (messages/vidéos/ informations). Bien sûr l’entreprise peut s’en- tourer d’experts pour réaliser la PMO du pro- jet (Project Management Project) 7 ou encore de spécialistes de la communication (pour la brochure de présentation entre autres) mais ce n’est pas obligatoire et fera gonfler la note. S’il y a des périmètres (filiales) à l’internatio- nal, la sélection d’un cabinet d’avocats peut être nécessaire (fiscalité locale). Comment mettre en place de l’actionnariat salarié et quel budget prévoir?

Actualités

13 FINANCE&GESTION | Juillet Août 2020

RAPPEL DES PRINCIPALES MESURES DE LA LOI PACTE POUR DÉVELOPPER L’ACTIONNARIAT SALARIÉ

Baisse du forfait social à 10 % (au lieu de 20 %) sur l’abondement versé par l’entreprise dans un dispositif d’actionnariat salarié (L214-165). Possibilité de verser un abondement unilatéral sur le PEE sur un support d’investissement en actionnariat salarié dans un plan d’épargne entreprise (PEE). (attribution uniforme à tous les salariés). Le montant maximum est fixé par décret à 2 % du PASS. 1 La décote autorisée sur les titres d’entreprises passe de 20 à 30 % à 5 ans et de 30 à 40 % à 10 ans. AGE nécessaire.

Applicable depuis le 01/01/2019

Forfait social 1

2

Abondement unilatéral

Décret du 20/08/2019

Applicable depuis le 23/05/2019

Décote 3

(1) PASS : Plafond Annuel de la Sécurité Sociale, 40 524 € en 2019.

RAPPEL DES PRINCIPALES MESURES DE LA LOI PACTE EN ÉPARGNE SALARIALE 20 %

{ {

Sur : l’abondement l’intéressement la participation Sur : l’abondement l’intéressement la participation

Entreprises de 1 > 49 salariés

0% de charges patronales

Entreprises de 50 > 249 salariés

1— Loi PACTE (Plan d’action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) publiée le 22/05/2019. 2—Selon le dernier communiqué de presse de l’AFG (Association Française de Gestion) publié le 9 avril 2020. 3— Selon la Fédération Européenne de l’Actionnariat Salarié (EFES), évolution 2006-2019. 4— Le Questions/réponses en ligne sur le Ministère du Travail apporte les éléments sur les assouplissements possibles: https://travail-emploi.gouv.fr/le-ministere-en-action/coronavirus-covid-19/questions-reponses-par-theme/article/prime-exceptionnelle-et-epargne-salariale . 5— Selon le baromètre Actionnariat Salarié réalisé par Amundi sur plus de 200 opérations réalisées entre 2013 et 2019. 6— Selon le baromètre Actionnariat Salarié réalisé par Amundi sur plus de 200 opérations réalisées entre 2013 et 2019. 7— Amundi dispose d’une équipe spécialisée d’experts pour l’accompagnement des opérations d’actionnariat salarié depuis de nombreuses années pour les entreprises de toute taille. Elle est intervenue en 2019, dans plus de 80% des opérations du SBF120 par exemple

Portrait

Actualités

14 FINANCE&GESTION | Juillet Août 2020

Géraud Guibert

Portrait

Actualités

Un autre regard « écologique » sur le monde d’après ! Le bateau papillon

15 FINANCE&GESTION | Juillet Août 2020

Depuis ces dernières années, la DFCG attache une importance par- ticulière au développement durable, notamment à travers sa revue Finance&Gestion et ses dossiers ou encore lors de son congrès an- nuel Financium, dont le dernier fil rouge « Sens et complexité », nous proposait de réfléchir sur la possibilité de concilier profit et générosi- té, performance économique et performance environnementale. Depuis le déconfinement, on a entendu beaucoup de spécialistes plus oumoins connus parler d’accélération de la croissance pour rattraper le retard dû à la crise. Il nous est apparu intéressant d’avoir un autre point de vue, celui d’un spécialiste des questions écologiques en la personne de Géraud Guibert. Il est énarque (ce n’est pas forcément un défaut), maître à la Cour des comptes, conseiller de différents Ministères sur les questions écologiques, passage à Bercy auMinistère des Finances mais surtout spécialiste reconnu de la transition écologique et de la biodiversité, président du Think Tank la Fabrique écologique.

INTERVIEW RÉALISÉE PAR YVON FARNOUX CFO de SICA2M et membre du Comité éditorial de Finance&Gestion

Portrait

Actualités

Yvon Farnoux | Comment avez-vous vécu cette crise et quel est votre sentiment par rapport à ce que l’on vit actuellement? Géraud Guibert | Le monde a traversé de multiples chocs ces dernières années, les catastrophes naturelles, les crises sani- taires sans parler des chocs géopolitiques. On est dorénavant dans un monde où les risques globaux sont de plus en plus accen- tués et ont de plus en plus d’impacts. Il s’agit de risques qui affectent la popula- tion mondiale toute entière, compte tenu de lamondialisation. Ils affectent lemode de vie, voire la vie humaine elle-même. La pandémie en est un exemple évident, mais demain ce pourra être une canicule, un cyclone, une inondation catastrophique. Ces phénomènes extrêmes vont se mul- tiplier dans les prochaines années si on ne prend pas les choses suffisamment au sérieux pour essayer de réduire ou d’atté- nuer les risques. Il est donc décisif d’anticiper les risques, d’essayer de les atténuer et de se préparer à s’y adapter, en particulier sur le climat et la biodiversité. Pour tous ces phénomènes, la vitesse et la qualité de l’adaptation deviennent primordiales. Ceci suppose que les politiques publiques intègrent pleine- ment les exigences de la résilience, qui sont la plupart du temps les mêmes que celles de la transition écologique: rac- courcissement des circuits économiques, utilisation de techniques décentralisées, plus grande autonomie locale. Toutes les études ont montré qu’aujourd’hui, il est beaucoup plus économique d’agir pour atténuer le changement climatique plutôt que de ne rien faire et de se retrou- ver avec une crise majeure dans quelques années, avec des conséquences très graves sur l’activité et le bien-être. La crise sani- taire d’aujourd’hui montre les dégâts éco- nomiques que cela peut produire. Il est d’autant plus intéressant et utile d’agir sur le plan écologique que les

mesures à prendre, par exemple sur l’iso- lation des logements ou l’efficacité éner- gétique de l’industrie, sont convergentes avec les enjeux économiques et sociaux. Il peut certes y avoir des contradictions, mais le développement de la «nouvelle économie écologique» constitue surtout des opportunités majeures: de nombreux emplois, toute une série d’activités écono- miques, de nouvelles formes économiques sont en train de se développer, c’est toutes ces initiatives qu’il faut encourager. Quelques exemples concrets peuvent être pris, l’engouement dans le monde autour des énergies renouvelables en particulier solaire, ou encore le développement des mobilités propres comme le covoiturage, les systèmes intelligents de voitures auto- nomes, le vélo. Toutes les initiatives dans ces domaines constituent des éléments de prospérité économique. Plus généralement, il faut arriver à construire des solutions qui permettent de concilier économie, social et écolo- gie lorsqu’existent des divergences ou des contradictions dans ces priorités. Par exemple sur le prix du carbone, point de départ du mouvement des gilets jaunes. Une fiscalité carbone plus élevée, cela signifie un prix de l’essence plus élevé et donc une inégalité sociale plus grande, en particulier pour des gens qui habitent à la campagne ou en territoires périurbains et ont besoin de leur voiture pour aller au tra- vail. Il faut arriver à construire des solu- tions qui soient à la fois écologiquement offensives et volontaristes mais aussi éco- nomiquement satisfaisantes et sociale- ment justes. C’est ce que nous essayons de faire à la Fabrique Ecologique. Il faut y arriver dans les meilleures conditions pos- sibles, ce qui n’est pas forcément facile. Pour l’avenir, et s’agissant de la transition écologique, la trajectoire suivie dans à peu près tous les pays est insuffisamment rapide. Je ne suis pourtant pas pessimiste comme ceux que l’on appelle les collapso- logues 1 qui considèrent qu’on est au bord

Géraud Guibert (né le 19 janvier 1956 à Paris) est un conseiller et spécialiste français des questions écologiques. Diplômé de l’ENA (École Nationale d’Administration). Conseiller maître à la Cour des comptes, professeur associé d’économie (1993-1997), conseiller au cabinet de Pierre Bérégovoy (1988-1992) puis de Laurent Fabius (1997-2002), il a été en 2012 directeur de cabinet de la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie Nicole Bricq. Il est actuellement le président de La Fabrique Ecologique, Think Tank pluraliste et transpartisan créé en 2013. Après avoir commencé sa carrière au ministère de l’Économie et des Finances, il a été conseiller pour les affaires économiques internationales au cabinet de Pierre Bérégovoy (1988-1992). Il a été professeur associé de sciences économiques à l’université du Maine (1993-1997) et conseiller Géraud Guibert est depuis 2007 Conseiller à la Cour des comptes et co-fonde en 2013 la Fabrique Ecologique, fondation pluraliste et transpartisane qui multiplie, depuis sa création, les travaux tournés vers des propositions et des actions écologiques concrètes et applicables. Il y promeut en particulier une démarche de rigueur scientifique et une approche européenne face aux grands défis climatiques du XXI e siècle. En 2017, il a participé à la Commission d’évaluation de l’impact de l’accord commercial entre l’UE et le Canada sur l’environnement et la santé (CETA). Le 5 juin 2020, à la demande des ministres Elisabeth Borne et Brune Poirson, il co-publie avec Thierry Libaert un rapport sur la publicité et la transition écologique dont les extraits sont publiés dans les Echos Exécutive du 11 juin 2020. de Laurent Fabius chargé du développement durable, à la présidence de l’Assemblée nationale puis au ministère de l’Économie et des Finances (1997-2002).

16 FINANCE&GESTION | Juillet Août 2020

1— Collapsologues: adepte de la collapsologie, un courant de pensée récent qui étudie les risques d’un effondrement de la civilisation industrielle et ce qui pourrait succéder à la société actuelle. Personnages connus: Yves Cochet et Agnès Sinaï.

Géraud Guibert

Portrait

Actualités

de la disparition de la civilisation. Nos sociétés ont beaucoup d’atouts pour y parvenir, en particulier une forte capacité d’innovation technique et sociale, qu’il faut valoriser davantage. Les nombreuses initiatives sur les territoires, y compris économiques, montrent que le modèle est en train de changer. La seule vraie ques- tion est que cela ne va pas assez vite. Il faut donc arriver à les démultiplier et les accélérer. performance environnementale et la performance économique, c’est une des raisons de notre choix pour l’interview, contrairement aux partisans de l’écologie radicale, «du tout ou rien» au risque d’être mal accepté par la population, d’où la notion de transition écologique… GG | C’est très important en termes de méthode. J’ai beaucoup réfléchi à ce sujet. Nous sommes dans un pays qui a une longue tradition de l’écologie scien- tifique, avec les écologues du 19 e siècle. Nous perpétuons cette tradition, par exemple par le rôle moteur de notre pays dans les négociations internationales sur l’environnement. En revanche, trop souvent, les gens qui pensent écologie dans notre pays consi- dèrent qu’il y a une solution et une seule aux problèmes environnementaux et qu’il faut parvenir à l’appliquer sans for- cément tenir compte des avis des uns et des autres. Personnellement, je suis persuadé du contraire. Une bonne solution écologique se construit avec les gens et avec leurs aspirations légitimes, avoir un mode et une qualité de vie satisfaisants, un tra- vail correctement rémunéré, etc… Cela ne s’improvise pas, ce doit être discuté avec les gens. Si on refuse ce type de démarche et on privilégie les solutions toute faites, on se condamne à laisser l’écologie ultra minoritaire. Pour réussir, elle doit au contraire être fédératrice pour être majoritaire dans la société. Ne pas prendre en compte la nécessité d’une YF | Vous êtes considéré comme quelqu’un qui veut concilier la

co-construction citoyenne condamne à l’échec ou à des solutions trop timides.

risquait sur le plan sanitaire en s’éloi- gnant davantage. Mettre tout le monde à la même enseigne est une idée typi- quement française, souvent au nom de l’égalité, mais parfois absurde. Il faut réformer notre système pour prendre des décisions plus proches du terrain.

YF | Quelles sont les premières leçons à tirer de cette crise Covid, même si ce n’est pas fini? GG | Il y a au moins cinq leçons princi- pales: • Dans une économie mondialisée, avec des risques globaux, on ne peut pas se permettre d’avoir une sous information ou un manque d’information. C’est pour- tant ce qui s’est passé avec la Chine. Si tout le monde avait été informé en temps réel, on aurait eu beaucoup plus de temps pour réagir. Dans un système mondialisé et face à des risques glo- baux, la pleine transparence est indis- pensable. • Nos sociétés doivent se préparer à des crises du type Covid, ce qu’elles n’ont pas suffisamment fait dans les années passées. Nous devons mieux anticiper les crises qui peuvent arriver et la façon dont elles doivent se préparer. • Pour un certain nombre de produits stra- tégiques, le fait que l’on soit dépendant de l’extérieur n’est pas sain ni raison- nable, que ce soit pour les médicaments, les masques, l’alimentation. Pendant des décennies, l’opinion dominante était de dire qu’un système mondialisé était très bien et qu’on ne devait pas y mettre de limites. Ce ne doit plus être le cas. Il faut bien qu’une partie de notre appareil productif pour les produits importants soit relocalisée dans notre pays. • Il faut avoir un système sanitaire per- formant. De ce point de vue-là, il y a quelques progrès à faire. Ce n’est pas uniquement un problème de moyens, mais aussi d’organisation. Là, pour le coup, il faudra bien réfléchir à notre organisation dans ce domaine. • La crise a montré, une fois de plus, le caractère hypercentralisé de notre pays à l’excès, avec des décisions parfois absurdes. Comment justifier par exemple qu’un habitant en région rurale ne puisse pas aller faire son tour journalier de vélo en solitaire au-delà de 1 kilomètre, ce qui a été interdit pendant plusieurs semaines. Je ne vois pas bien ce qu’il

17 FINANCE&GESTION | Juillet Août 2020

YF | Vous avez été missionné récemment pour faire un rapport sur la publicité et la transition écologique par Elisabeth Borne (Ministre des transports, de la transition écologique et de l’économie solidaire) et Brune Poirson (Secrétaire d’Etat, Vice-Présidente de l’Assemblée des Nations-Unies pour l’environnement) dont les premiers feuillets sont déjà publiés dans le journal les Echos Exécutives, pouvez-vous nous synthétiser les grandes lignes de ce rapport? GG | D’abord pourquoi cette mission? Depuis 18 mois, il y a eu beaucoup d’ini- tiatives et d’amendements parlementaires visant à mieux encadrer la publicité, à l’occasion du projet de loi sur la mobilité ou du projet de loi économie circulaire. Les deux ministres, plutôt que de faire du coup par coup, ont préféré avoir une vision globale du sujet. La mission et le rapport que nous avons écrit avec mon collègue Thierry Libaert sont totalement inédits. C’est la première fois qu’il y a un rapport officiel sur ce type de sujet, en France et même en Europe. Le tour d’horizon que nous avons fait à

Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online